20-IX-82

Massacres de Beyrouth
J’écoute France Musique, pour travailler, et il s’y mêle tout le temps des interférences d’un poste arabe qui diffuse des sourates du coran (sans rapport avec le massacre). Et je crois entendre la prière pour les morts de Treblinka et d’Auschwitz.

71-XI

La fille tondue à Belfast – épousée par le sergent britannique pour lequel elle avait subi son châtiment.
Mme N. se souvient… celle que j’ai vue à Lyon en tête d’un cortège comme une Jeanne d’Arc d’infamie (et une voix qui intercédait près de moi : « C’est horrible ! Empêchez-ça ! Empêchez-ça ! ).
La femme (Francesca ?) d’Aurillac, dénonciatrice du maquis de Théo (à Marcolès) tuée par les maquisards et enterrée clandestinement dans un jardin.

S. d.
Durant toute cette guerre, je n’ai jamais pu me défaire d’un extraordinaire sentiment de victoire, de victoire au plus fort de la défaite et de la capitulation pétainiste, victoire dans chacun de nos désastres, victoire répétée au milieu de nos masses de cadavres brisés et brûlés, victoire dans les abois de haine joyeuse d’Hitler (de ses tapements de fesse sur ses culottes de cuir), victoire partout et sur tous les fronts.
Comment aurais-je pu ne pas triompher ? J’avais Churchill à trois pas dans l’Ouest, et de Gaulle au flanc gauche, mon frère Théo dans un maquis du Cantal et moi-même qui n’attendais qu’un signe pour anéantir de ma tête et de mon fusil les armées SS – et jamais, jamais, jamais, un millier de fois jamais je ne serais vaincu parce que je serais toujours, toujours, un milliard de fois toujours,

78

Je ne saurai sans doute jamais si j’étais né pour écrire des livres ou faire des yaourts succulents.

79-XI

Shakespeare, Rimbaud, Molière, Rabelais, Joyce, Proust, Kafka, Michaux et Gatti.
Il n’y a pas de définition du génie. Il n’y a que des génies. On les sent comme tels. (L’analyse ne donne rien.)
Et la supériorité de Gatti c’est qu’il n’est pas limité à sa propre fonction d’artiste. Il a le génie de l’homme – un éclatement dans toutes les directions, dimensions d’une vie.

80-29-XII

Nos malheurs ont fait de nous d’incomparables interlocuteurs.

80-II

Gatti-Boulez
Chacun décidé à ne pas être le Reynaldo Hahn de ce Proust
Ou le Maeterlinck de ce Debussy.

81-XII

Sache qu’un juif n’a de comptes à rendre à personne. Il a déjà payé. Il n’est pas de scélératesse, de crimes qui n’aient été remboursés par lui au centuple.

82-IV

Hugo fait des fautes de goût.
Rimbaud – tout entier faute de goût – fait des fautes de bon goût.

82-VIII

S’il faut revivre, que je revive encore comme juif – et si c’est sous la forme d’un chien, que ce chien soit juif autant que chien peut l’être.

82-VIII

Et puisque « Joffroy », je signe mes lettres « J » qui est le « J » apposé sur la carte d’identité de mes père et mère en l’an 1941.