Au journal, revu Dante après quelques semaines d’absences dudit (le film, montage avec Chris, post-synchro). Pas de nouvelles d’ailleurs, sinon par raccrocs – à l’occasion d’un coup de fil de Mme U pour la publicité du film. Sentiment désastreux de mon inutilité, aggravée par la « gentillesse » trop visible de D. – quelque chose comme : « Tiens, il y a longtemps que je ne lui ai rien dit. Ne le laissons pas tomber, etc. » Et proposition de nouveau de faire les sous-titres – ce que j’ai refusé. Souvenir du jour où, me présentant à sa porte pour lui donner un conseil (au moment de la disparition de D. D. et de l’arrestation de quelques-uns), j’entendis à travers la porte sa voix excédée qui me reprochait la nullité des textes de dialogue que j’avais rédigés deux ou trois jours avant. Sa gêne, lorsqu’il m’ouvrit, craignant que je n’aie entendu, surtout lorsqu’il connut le motif de ma venue – motif altruiste, d’amitié pure.
Un peu après, le lendemain ou surlendemain, il abordait franchement le sujet, ce qui est rare de sa part : « J’ai l’impression que quelque chose ne va pas entre nous. » Il désirait savoir, au fond, si je l’avais entendu ou non. Je dis que j’avais entendu. Explications réciproques. Ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Je lui dis que son attitude était d’autant plus blessante qu’il connaissait mieux que quiconque ma modestie à l’égard de l’œuvre, de l’écriture en général, ma véritable humilité : que donc, il pouvait me parler à cœur ouvert des textes contestés mais non s’enrager seul contre moi, etc.
Sentiment hier que l’amitié a pris un tournant mauvais, mais décisif. Constaté que l’amitié pouvait faire souffrir comme l’autre chose. Amitié d’esclavage – dont la rupture ne peut me nuire en ce qui concerne l’essentiel, le but de ma vie – au contraire, je crois. Un dénouement.
De plus en plus fréquente, la nuit, l’angoisse. Toujours logique, appuyée à des certitudes : la mort, l’âge, les échecs – l’inévitabilité de tout.
NE PAS OUBLIER !
NE PAS OUBLIER !
Cette misère, cette loque, ce rien que je suis.
Suspendu, comme une bête, à des
Eclats, des éclairs, des superstitions, des coïncidences.
Tout le corps priant sans l’avouer – par une fierté dont on abdique absolument tout, sauf
l’air qu’on aurait face aux autre. Prêt à tous les serments, supplications adressés aux maîtres de mon sort, c’est à dire à tous et à tout. À tout.
Maufrais, Gerstein, Michaux, Gatti, Joyce
Le point commun ?
Les justes
Maufrais-Gerstein
Incorruptibles – non modifiables par le milieu qu’ils traversent, où ils sont plongés. On ne leur fait rien faire pour quoi que ce soit qui ne soit pas ce qu’ils ont résolu de faire.
Le Lac, un personnage
Les origines
Mes aïeux étaient du pays de Pont-à-Mousson, de St-Mihriel. Ils parlaient le français de Jeanne d’Arc. Néanmoins, c’était des étrangers en ce pays natal, des sorciers, des voleurs, des bourreaux d’enfants chrétiens dont ils mélangeaient le sang à leurs galettes.
Ils les emportaient à la nuit, fourrés sous leurs lévites, galopant vers cet abattoir à bébés : la synagogue.
Si votre nom vous gêne, changez-en. Ne permettez pas qu’on fonde sur lui les préjugés et les haines habituels. Ne tolérez pas qu’on vous identifie sans vous connaître.
Lac
Dans Weil, il y a Lévi (serviteur du Temple)
Il y a Evil (diable)
il y a vile (boue)
il y a veil (voile)
il y a live (vie)
il y a viel (âge)
vieux serviteur voilant son diable dans la boue de la vie. (Vieux diable roulant son serviteur etc.)
Le 1er poète – Dante II
Je me suis approprié les beautés
de tes œuvres, sans jamais les violer
Nos refroidissements n’étaient
pas des gelées.
Ce qui s’est passé le 15 juillet 45
(si je m’en souviens !) demeure
ce qui se passe aujourd’hui.
Sur G.
Il voulait la gloire. Par chance, elle (sa gloire) l’évita. Il ne fut que célèbre, fameux, un illustre inconnu – un génie-culte, etc. (La femme de Loth). Elle se retournait sur le passé et fut changée en statue de sel. On peut encore la voir sur une hauteur de la mer Morte. G. de même… Et c’est pourquoi le vent l’a changé en statue non de pierre mais celle qui barre le fleuve de la gloire et que tout le monde connaît. Il mange en grain ce qui ne lui fut pas donné en semence.