Pierre Joffroy était son nom de plume. Maurice Weil celui de l’état civil.
Né en 1922 À Hayange en Moselle, il monte à Paris en 1945 après être passé par Lyon où il s’était réfugié en 1941, rejoint plus tard par son frère Gilbert .
Entré au Parisien Libéré dès son arrivée dans la capitale il réalise un de ses premiers reportages en s’embarquant sur un « rafiot » chargé de juifs européens rescapés des massacres nazis.
Ici commence l’histoire des carnets dont certains disparaissent à l’occasion de ce voyage en terre de Palestine en 1947.
Il s’agit d’un petit agenda (un par trimestre) sur lequel il note rendez-vous, rencontres, conversations téléphoniques, lectures, sorties, projets et ceux de ses amis.
Le format n’autorise pas le développement comme encore moins les épanchements (même si on trouve quelques cris du cœur).
Ces carnets pourraient être (sont) comme une gigantesque table des matières d’un livre à venir, un vaste index qui renvoie à autant de pages qui ne sont pas encore écrites.
Au commencement était le verbe. Reste à trouver la suite.
À vous de lire ce projet de « livre total ».
À vous de nous donner des informations complémentaires que la lecture de ces 20 premières années (1947-1968) vous inspire.
La suite, 1968-1980, puis 1980-2000, paraîtra dans le courant de l’année 2021.
Les carnets n’avaient jamais été lus, ni déchiffrés avant 2008. Ils ont été photocopiés puis déposés à l’IM.C.(Institut Mémoires de l’ Edition Contemporaine) avec les archives de Pierre Joffroy où ils peuvent être consultés.
4 janvier 1949
Cinémathèque : « La fin de St Petersbourg ». (Poudovkine)
5 janvier 1949
« Les dix jours qui ébranlèrent le monde » (Eisenstein)
6 janvier 1949
« Napoléon » (Gance)
illisible
7 janvier 1949
Wagons plombés
Départ pour Nice Marseille 19 h 45 (enquête contrebande en mer).
9 janvier 1949
Avec Benedetti, promenade dans les bars (matelot de remorqueur boulonnais).
10 janvier 1949
Visite des postes de douane. L’après-midi, brigade maritime. Visite à bord d’une cargaison.
11 janvier 1949
Directeur douane
M. Claude
12 janvier 1949
École de Cagnes-sur-Mer. J.H. Model, W. O’Mallony au vin rosé et à jeun. Caillaud.
Gagné 1 000 F à la roulette
13 janvier 1949
Monaco-Monte Carlo.
18 janvier 1949
Sorti avec C. le torchon brûle.
20 janvier 1949
En Chine, Tchang Kaï Tchek s’en va.
Cinémathèque : L’âge d’or, Chien andalou, Murnau (Faust)
22 janvier 1949
Au Pied de Cochon : 19 h 30. Fondation « Association des grands reporters français ». Maurice Garçon, Kessel, Dayan, de Coquet, Helsey, Labarthe, … puis tournée des grands ducs à Montparnasse avec Kessel retour des USA puis à Montmartre. Verres cassés, saoulerie bon enfant. Rentré 6 heures du matin.
26 janvier 1949
Émission Sévenot Rive droite rive gauche. 20 h. Kessel, Labarthe, Sevry, Armorin, à propos de l’Association des grands reporters français.
27 janvier 1949
Dîner rédaction Parisien, Royal Gaillon.
Car nous avions reçu de bien plus loin que d’ici, l’ordre de vivre.
30 janvier 1949
Pied plat. Un quidam, nommé J., met sa jouissance actuelle à patauger dans la boue dans l’espoir que ma modeste personne s’en trouvera éclaboussée.
31 janvier 1949
Ça vous amuse donc d’être un homme parmi 2 milliards d’autres ? Ah, plutôt ce bison en voie de disparition.
4 février 1949
1er papier sur Palestine dans le P.L. Historique.
5 février 1949
2e papier : Tel-Aviv
7 février 1949
Vu « Quelque part en Europe ». Beau.
8 février 1949
Procès Kravchenko – salle étriquée – brouhaha – altercations. K. est un faisan.
Procès Bergery – dauphin mort-né – trop intelligent pour être innocenté.
9 février 1949
Procès Bergery
10 février 1949
Pars à 14 h 25 pour les Sables d’Olonne (un homme mort dans une malle d’osier au « Puy d’enfer »…). Arrivée 22 h 15. Les carottes sont cuites.
11 février 1949
Tout le monde arrêté à Paris. Rien à faire ici. Gandrelle cherche probablement à me tenir à l’écart : m’enjoint de rester jusqu’à demain. Pour me distraire, vu le cadavre à la morgue : découpé. Une horreur.
12 février 1949
L’or ? on en fera des vespasiennes. Lénine.
Cortez au messager de Montezuma : « Dis à ton maître qu’il nous envoie de l’or, beaucoup d’or, car, mes compagnons et moi, nous souffrons d’une maladie de cœur qui ne peut guérir qu’avec de l’or. »
13 février 1949
H.S.T. secteur atlantique – caserne Cambronne
Turquet, DST. Retour des Sables, car Nantes samedi 14 h, arrivée à Paris 23 h 30.
14 février 1949
Vu « Le Trésor de la Sierra Madre » – bon western
Anglo-Palestine Bank 11441. Vendredi 6 avril 1948. Julian Ksycki.
19 février 1949
En vedette sur la Marne, retour à la nuit, avec Armorin, Gatti, Boulez.
20 février 1949
Auteuil.
21 février 1949
Wang m’invite à venir à l’opéra voir un spectacle de ballet. Nous tombons sur « Lohengrin ». Fuite éperdue.
22 février 1949
Labarthe, Kessel 19 h 30.
26 février 1949
Promenade bateau usines Renault, île Seguin.
Dîner chez Gatti, quai d’Anjou avec Armorin et Claudie.
27 février 1949
La liberté qui plaide contre le communisme, c’est la liberté d’asservir, c’est la liberté d’exploiter, c’est la liberté de grande existence, comme dit Renan, avec les multitudes pour marchepieds. Blanqui, 1848.
28 février 1949
Papier Palestine : 4 février – 5-6, 8 février, 11-15, 17-21 février. 22-24-25.
4 mars 1949
Oui ! Mille fois oui ! La poésie est un cri, mais c’est un cri habillé ! Lettre de Jacob à Cadou. Talma entrant dans la chambre mortuaire de sa mort pousse un cri, puis dit : « Oh ! Que ne puis-je retenir ce cri-là Comme c’était bien ! »
5 mars 1949
Chiche ou pas chiche mon père. G. c’est des histoires de Belges, c’est des histoires à la Syte. Si c’est une question de largeur des épaules, je jouerai le championnat. Bien sûr !
7 mars 1949
Conférence sur la Palestine chez les Francs Maçons, rue de Puteaux (avec Armorin et le f( Malacinda). Très drôle.
8 mars 1949
« Mais vous, Monsieur Renan, dites-moi votre pensée : Dieu existe-t-il, oui ou non ?
La chère était fine, la dame aimable. Renan murmura : Pas encore.
11 mars 1949
Aéroport du Bourget, grève douaniers
12 mars 1949
Bal de la Résurrection d’Israël – résidence d’Auteuil – Miss « Espoir 5708 » (avec Cl., Armorin, Nathan).
14 mars 1949
Vacances d’hiver 12 jours.
16 mars 1949
Pars pour Hayange 17 h 45. (2e fois que j’y vais depuis la guerre).
Akaba, article du Monde 16 mars 1949.
18 mars 1949
Vu hier soir Bentz au « Républicain lorrain ». Très pâle, très triste.
Vu l’avocat – Embrouillamini à propos d’Hayange (jugement, astreinte, sommation, etc.) – Traîné toute la journée parmi les griffetons messins. Tout est à laisser ici, rien à prendre.
19 mars 1949
La femme déteste le serpent par jalousie de métier. Le serpent, c’est la boutique en face. Hugo.
20 mars 1949
Mars 1949 : baisse des prix agricoles, liberté de vente des voitures, cent litres d’essence, circulation animée… Est-ce la fin de la guerre ?
21 mars 1949
Visite de Melle Ernout, actrice (« altitude 3 200 ») qui vient quêter un article. Très jolie. Emmenée à Franc Tireur où on essaiera quelque chose.
25 mars 1949
Vu, avec Armorin « Altitude 3 200 », nul. Ernout pas mal.
28 mars 1949
Crapouillot. Histoire de la guerre – Le président Roosevelt dit d’abord à De Gaulle que la France était militairement dans une si mauvaise position qu’elle aurait besoin d’un général du calibre de Napoléon.
– Mais je le suis, dit De Gaulle
– Elle est, poursuivit le président, dans un tel embarras financier qu’elle a besoin d’un Colbert
– Mais, affirma De Gaulle avec simplicité, je suis un Colbert
– Enfin, ajouta le président en dissimulant sa surprise, elle est si affaiblie politiquement qu’elle a besoin d’un Clemenceau.
De Gaulle se lève avec dignité et dit :
– Mais je suis cet homme !
Au fond je crois que Hitler est content d’être Hitler parce que cela lui permet de parler tout le temps. (Giono, Journal, décembre 42)
30 mars 1949
Ce ne sont pas les aigles qui ont sauvé le Capitole » (Clemenceau)
31 mars 1949
Il faut faire l’union de tous les Français, je ne suis pas contre les ouvriers, au contraire. Quand j’étais enfant, le dimanche, j’allais leur apporter des oranges avec ma bonne. (Giraud, Alger ; cité par P. Sendahl : « De Gaulle sans képi »)
2 avril 1949
Armorin rétif à partir pour la Palestine.
4 avril 1949
Départ pour la Palestine le 19 avril.
5 avril 1949
Légion d’honneur Dassault.
6 avril 1949
Les Loges près de St Germain. La plus traditionnelle, Écouen.
Visite collège jeunes filles Bouffémont pour enquête.
A la cinémathèque avec Wang. La Ligne générale (Eisenstein)
12 avril 1949
Réception Royal Monceau en l’honneur de Fischer, avec Cl., Armorin, Altman.
14 avril 1949
Coup de fil conservateur du musée de Palestinologie.
15 avril 1949
Dîné avec Nathan Armorin et Cl. rue des Fossés-St-Bernard. Couché Ile Saint Louis. Préparation duel Mérindol-Fèvre. PV d’avant rencontre. Discussion. Mérindol tremble.
16 avril 1949
À 7 h 20. Réunion statue Henri IV. A 8 h 15, forêt de Sénart. Duel Armand Fèvre, bonapartiste, contre Pierre Mérindol, journaliste. Au sabre. Deux reprises. A la 1ère, Mérindol blessé à la main droite ; à la seconde, son sabre tombe. P.V. etc. témoins : Marchal, Charbonnier, peintre, Armorin et gros. Photographes de Paris Match, Point de Vue et Robert Doisneau.
20 avril 1949
Ile St-Louis Eliett – Alger
Départ pour Palestine 8 h 30. Arrêt à Lyon. Jean-Jacques – rencontré Georges de Caunes (radio) dans le train. Couché minuit.
21 avril 1949
Réveil 2 h 50 – Train 4 h 20 – Arrivée Marseille 9 h 15 – 29, rue d’Athènes : billets de 1ère classe A.R. gratuits. Déjeuner Vieux Port.
Départ 23 heures sur le « Negbali », avec 1 050 émigrants (nord-Africains et Polonais). Rachel Chergoun voyage à bord avec son mari Grunstein.
23 avril 1949
Croisé Kedmah. Passé Messine dans la nuit.
24 avril 1949
Croisé « Th. Herzl » vers midi, après Messine.
À bord, un major juif anglais qui part dans l’armée juive : anglais typique, monoclé, roux, yeux bleus, hygiénique et respectable.
25 avril 1949
Coup de vent avant la Crète. Les passagers malades.
28 avril 1949
Arrivée
29 avril 1949
Départ à 9 h de Tel-Aviv pour , où nous trouvons un officier qui nous pilote jusqu’à Costina : là, munis de deux couvertures, nous sommes embarqués à bord d’un camion dans une expédition scientifique qui part pour Akaba voir ce qu’on peut y faire. (Prof. Tishli, Herlinger, Brutshaus, Hachunchain, Crispin, architectes Kuhn, Levizohn, Kaufmann). Arrivons vers 8 h du soir.
30 avril 1949
Couché par terre, traversée de la partie la plus stérile du désert de Zin : paysages brûlés, silence et désolation.
Arrivée vers 14 heures au poste de police d’Oum Rash. Rash en face d’Akaba sur qui veillent deux destroyers anglais. Solitude et sauvagerie, mais les cailloux de la cour sont beaux.
1er mai 1949
Mal dormi – Baigné dans le golfe. Un soldat anglais appartenant à l’un des deux destroyers ancrés au large s’est rendu : il prétend être juif. On l’amène bandé au Q.G. Le soir, au poste, speech du chef de l’expédition M. Tishli aux jeunes soldats d’Akaba.
2 mai 1949
Troisième nuit dehors. Départ 8 heures avec quelques soldats. Arrêt à El Ruzuf vers 17 h. Là nous trouvons une jeep de l’ONU et une jeep d’un officier israélien. Résultat : sommes à Tel-Aviv à 23 heures, recrus de fatigue et de brûlures.
3 mai 1949
Jaffa : hôpital français, couvent, achat disques hébreux – Rencontré Sévenot (radio) et un assistant.
4 mai 1949
Revue prévue rue Ben Jehinda : échec complet. Trop de monde – embouteillage monstre. Le soir, enregistrement de l’émission sur Israël par Sévenot à Kol Israël.
4-5 novembre 1949
Procès Gaveau –
Gaveau travaux forcés à perpétuité.
5 mai 1949
Émission au Pills : chants hébreux : Crois-moi le jour viendra. Bercheva.
6 mai 1949
Avec radio et Benny Blinkmann, conducting officer, allons à Césarée (déjeuner) puis à Gal-Ed, et Regavin (postes frontières et Kibboutz). Enregistrement de chants. Repas, calme, douceur.
7 mai 1949
Tibériade – nuit au « Rama » (hôtel). Eïn-Gev – visite de Capharnaüm (père Loy Turin). Promenade en bateau sur le lac de Tibériade.
8 mai 1949
Nazareth. Rentré Tel-Aviv 19 heures, après crochet Césarée.
9 mai 1949
À Jérusalem avec Pierre Mouchnick. Névé-Ilan (la maison de l’arbre) et enfin la Ville ! Rencontre de Ehoud ben Jehuda, fils d’Eliezer, créateur de l’hébreu moderne (chasseur, buveur, ami des Arabes, fou ?)
Au retour, rencontre de Sokol (un nommé Jésus de Nazareth).
10 mai 1949
Rina-Batia- Au Park avec Atara, Armorin, Maurice Bernsohn (de Névé-Ilan) et des « sionistes » de salon.
11 mai 1949
Jérusalem avec Benny et les radios. Jérusalem : consul de France – déjeuner Eden. Tournée avec Ben Jehida dans le No man’s land de Talpiot (collège – Gouvernement House). Traversée des champs minés. Beit Safafa : Arabes et juifs séparés par un fil de fer. Névé-Ilan : dîner.
12 mai 1949
Ruthy Chalouche. 134, bd Rothschild.
Refus arabe d’aller en vieille ville. Visite des avant postes juifs : Notre-Dame de France devant la vieille ville. (Supérieur des Assomptionnistes, qui a une dent contre le père Combes !) – Retour : visite du Sheik Abou Gosh ; le matin à l’église d’Abou, le père Alexandre, son harmonium, sa fontaine, son vin.
13 mai 1949
Soirée chez Greenberg (Ruth Chalouche) – Kapa, …à mourir. Décidé de partir.
Taxi pour Haïfa – Embarqué sur Nezbah avec Marcovici. Le général Hildring et sa femme sont là aussi.
17 mai 1949
Messine 4 h ½ du matin
18 mai 1949
Sardaigne 8 h.
19 mai 1949
Arrivée Marseille 7 heures. Train 11 h. Paris 23 h 10 (avec Armorin et le couple Marcovici).
21 mai 1949
Schœlcher, brave jusqu’à la gloire. Hugo.
Acte de mise en vente : « A l’issue de la messe, il sera procédé à la vente aux enchères publiques de l’esclave Suzanne, négresse âgée d’environ quarante ans, de ses six enfants (13, 11, 8, 7, 6 et 3 ans), d’une table en bois du Nord et de quatre tabourets ». Le fouet, l’arme du régime colonial – Schœlcher.
Juin 1949
H.M.Suval « Whitecliffs » les falaises blanches. Rien à faire – Cherbourg 11 h War Office – 3 h 45 Waterloo (5 h 30 départ). Fulham – It is a press call, urgent, please.
1er juin 1949
Pris le train pour Londres 21 h 30. Ferry-boat Dunkerque.
2 juin 1949
Londres 9 h 15. Champagne et Martin Chauffier m’attendent à Victoria. Promenade – Loge au Strand Imperial Hôtel – Impression : grand, imposant, traditionnel. C’est tout ?
3 juin 1949
Vu Auclair, Claudie à qui je remets le bracelet persan de Jérusalem.
À Portsmouth à 8 h embarquement sur L.S.T. Suvla avec 200 officiers, actifs et territoriaux qui vont en France. Tempête. Pas de débarquement de plage. Cherbourg.
4 juin 1949
Cl.
Cherbourg – Bayeux – Caen : Montgomery
5 juin 1949
Arromanches – Bayeux – British cimetery – pluie. Voiture
6 juin 1949
Rauville – 6e Airborne Cimetière. Rentré Paris 20 h 30.
7 juin 1949
Henri VIII pleure, couronne sur la tête au conseil de ses ministres : « il s’en retourna chez lui, pestant contre le peu de bonne condition dans l’âme des femmes ».
10 juin 1949
17 h avec Boulez, Gatti, Danielle 15, rue de l’Observatoire (peintre Hélion) pour entendre œuvres compositeur américain John Cage. Petit comité. Piano spécialement revu et corrigé par Cage : sons ressemblent à musique orientale. Danses aussi.
11 juin 1949
Ensmokingé pour la Nuit bleu marine. Puis à 10 h, Cl. m’apprend qu’elle est fatiguée ! Je rentre.
12 juin 1949
Depuis 3 jours, enquête avec Gatti sur « Courrier du désespoir » (jeune h. 26 a. à bout ressources ayt tout tenté n’ayt pas peur risque cherche n’importe quel travail, mission « ) Ecrire R. David – Hôtel de la Paix – quai d’Anjou Paris 4e.
13 juin 1949
Studio 46. 10 h. 116, Champs-Élysées. Émission Palestine avec Marcovici, Armorin, Nathan, P. Renoir, etc. speech sur Jérusalem.
16 juin 1949
John Heliker
17 juin 1949
Cerdan battu par La Motta.
Avec Boulez, Gatti, Danielle, Jean Verroust, chez Mme Tézenas. Concert sonates John Cage avec introduction Boulez. Vu Henri Michaux : sorte d’oiseau de proie pour le physique. Il qualifie le concert « sonnaille pour mendiants bien pensants »
Bu à la santé du fils de Verroust, tant et si bien que…
19 juin 1949
Manifestation gaulliste pour l’inauguration de l’avenue Leclerc. Forces de police : 25 000 – Le grand a parlé – Les cocos aussi – Résultat nul.
Chez Corvol le soir. Réception pour la communion de son fils : Rebeyrol, Martin Chauffier, Corvol, la famille, Seligmann, etc.
20 juin 1949
Démission procureur Boissarie – résistant à qui le MRP voulait ôter son siège du Parquet général. France bat Espagne : 5 à 1.
21 juin 1949
Adieu, Muse. Va dire aux hommes
Ce soir de fête en la cité,
Que dans la prison où nous sommes
On meurt de les avoir aimés. M. Jacob
22 juin 1949
Un jour que l’honneste dame Marguerite, fille du roi d’Ecosse, passait par une salle où ledit maistre Alain estoit endormi sur un ban ; comme il dormait le fut baiser devant toute la compagnie et celuy qui la menait fut curieux et lui dit : Madame, je suis esbahi comment avez baisé cet homme qui est si laid ». Car, à la vérité, il n’avait pas beau visage. Et elle fit réponse : « Je n’ai pas baisé l’homme, mais la précieuse bouche de laquelle sont sortis tant de bons mots dorés et tant de vertueuses paroles ». Jean Bouchet, Annales d’Aquitaine
24 juin 1949
Avec Cl. au ciné « Jour de fête » et « François 1er »
25 juin 1949
Avec les dessinateurs à Monnaie chez Sam au Coq hardi pour l’élection d’un jeune dessinateur.
26 juin 1949
Cl. Seligmann « Les Oiseaux »
3 juillet 1949
Mardi 5 juillet chez Martenot concert ondes. Œuvres de Boulez au piano dans sa 2e sonate, Souvtchinsky, Cage, Cunningham, Danielle, Gatti.
4 juillet 1949
Cunningham lundi 11 juillet. Lundi 18 juillet chez Otero, 123, bd Saint-Michel.
5 juillet 1949
Chez Martenot, rue St-Pierre, Neuilly. Concert ondes. Boulez joue au piano 2e sonate (Souvtchinsky, John Cage, Merce Cunningham, Danielle, Gatti).
6 juillet 1949
Adieu Muse ! Va dire aux hommes… Max Jacob
L’enquête continue « courrier du désespoir ». Fargue refuse me laisser faire reportage « Un clandestin sur l’Ile-de-France »
8 juillet 1949
Inauguration exposition Picasso, maison de la Pensée, rue de l’Elysée, avec Otero. Rencontre Najar (de la légation d’Israël).
10 juillet 1949
Claudie à Bandol.
11 juillet 1949
Au Vieux Colombier, avec Gatti, Danielle, Otero, Boulez, le peintre américain John Heliker, le musicien Brown, John Cage, Merce Cunningham, Henri Michaux, le baron Mollet. Séance poético-musicale donnée par le club d’essai de la radio. Programme incohérent : music-hall et Michaux, jazz et John Cage.
14 juillet 1949
Le pape excommunie les communistes… Matin, revue militaire aux Champs-Élysées avec Boulez. Le soir, feu d’artifice à St-Michel avec Otero, son fils, sa mère, Gatti, Boulez, Danielle. Mangé aux Halles.
15 juillet 1949
Rentré 7 heures du matin.
L’amour, c’est l’histoire de la vie des femmes. Ce n’est qu’un épisode de celle des hommes. (Mme de Staël). C’est l’égoïsme en deux personnes. (Boufflers)
« Le canon fait boum-boum, la mitrailleuse fait tatata. » Maréchal Joffre
18 juillet 1949
Cunningham : ODE 31-61. Chez Otero, 123, bd St-Michel. Gatti lit sa pièce : « Les Menstrues ». 5 actes. Souvtchinsky et sa femme, Boulez, Otero, Danielle, Collin de Combat, des Vénézuéliens, John Cage, 20 en tout. Réticente aux 1er et 2e actes, l’assemblée marche à partir du 4e. Poème ou théâtre, c’est bien.
24 juillet 1949
Arrivée Tour de France avec Gatti, au parc des Princes. 1er Van Steenberger. Gagnant : Coppi, Bartali, Marnelli, Jean Robic, Dupont, Magni.
5 août 1949
Suite courrier désespoir.
Manifestation Concorde – Un manifestant rue de Rivoli : Salauds de flics ! Mais les Chinois arrivent ».
10 août 1949
Les vieux manuscrits bibliques de Jéricho
13 août 1949
Soirée chez Gatti avec Otero, Cage, M. Cunningham : théâtre « Le Destin de l’araignée ». Raccompagné Otero.
14 août 1949
Austerlitz 12 h 30 – départ pour Arès (Landes) : incendies forêts.
15 août 1949
Arrive Arès – incendie fini – fumées – Bordeaux – Dîner avec Châteauneu et sa femme au restau.
16 août 1949
Avec Châteauneu, correspondant P.L. Dîné le soir chez eux.
17 août 1949
Dîné chez Châteauneu, 43, rue de la Franchise.
18 août 1949
Rentré à Paris 16 h 45 – 23 h.
27 août 1949
Vu à Madeleine, Le Voleur de bicyclettes (avec Wang et Gatti, Danielle). Envoyé lettre à Simon Arbellot (l’Aurore) qui vilipende la Libération.
28 août 1949
Un statisticien indou : « Notre dernière famine a été un échec. Elle n’a tué que 3 à 4 millions de personnes, et c’est encore le taux de natalité qui a gagné ».
Envoyé avec Gatti lettre à journaliste Cuzin, de l’Aurore, critique stupide du « Voleur de bicyclettes ».
29 août 1949
Veste à 1 000 F – 2 tons
Qui sont les cons ?
30 août 1949
Une flopée de Danoises volées, violées.
2 septembre 1949
Gatti part en vacances chez amis à Grenoble.
Pyrrhus à Cythère.
3 septembre 1949
Je ne connais rien de plus pauvre sous le soleil que vous autres, Dieux ! (Goethe, 1774).
4 septembre 1949
« Le génie allemand, quand il est vraiment grand, contient autant de bon que la grandeur le permet, mais implique aussi toujours la « mauvaise » Allemagne. » Th. Mann (sur Goethe).
8 septembre 1949
Gilbert rentré d’Italie avec Janine. Gatti, de Grenoble, fait appel de fonds.
9 septembre 1949
Sorti avec Mme Barkay (consulat d’Israël) et ses invités (dont une « personnalité » Mme Heulitz). Lapin agile, Poisson d’or.
9 septembre 1949
Sorti avec Mme Barkay (consulat d’Israël) et ses invités (dont une « personnalité » Mme Heulitz). Lapin agile, Poisson d’or.
10 septembre 1949
Radiguet selon Cocteau : « le miracle de la Marne » – Lacan.
14 septembre 1949
6-8 Luis Mariano.
15 septembre 1949
Club des 27
17 septembre 1949
Vu Boulez chez lui avec Saby.
23 septembre 1949
Claudie téléphone – Rentrée de Bandol – Repart à Buenos Ayres.
Truman annonce que les Russes ont la bombe.
24 septembre 1949
Chez Boulez – Saby, Catherine – Sorti avec Cl. qui repart demain pour Buenos.
26 septembre 1949
Corvée de guili-guili (Lescure – Fargue).
Avec Saby aux Folies Bergères où Boulez tient par intérim les ondes Martenot – Féeries et folies. Toutes les aberrations sexuelles. Boulez coiffé au final écossais, d’un béret.
27 septembre 1949
Rendu mon enquête sur « Clubs, sociétés et compagnies ».
28 septembre 1949
Déjeuner avec Champagne. Cercle de France. Départ pour Metz, procès.
29 septembre 1949
9 h : procès empoisonneuse de Hayange.
30 septembre 1949
Procès des J3 de St-Avold : Ferdinand Tamburelli et Edwige Harmann-Bonsch
1er octobre 1949
À Hayange le matin. Rentré Paris 15 h.
Lancement du petit bateau de Marchal, quai d’Anjou. Pagliero, sa femme, De Caunes et Didda Harologlottir, Armorin, Scipion. Les Marchal. Émission radio, puis banquet. Didda fait des approches. De Caunes furieux.
2 octobre 1949
Retour de Metz. Gandrille mis à la porte.
3 octobre 1949
Modestie, orgueil des incapables.
4 octobre 1949
Pyrrhus à Cythère
Avec Boulez et les Gatti rentrés, au cinéma.
6 octobre 1949
Duel François Chalais – Willy Rozier. Corrida – incidents – le duel a lieu l’après-midi. Chalais éraflé.
7 octobre 1949
Téléphoné Islandaise, venue me prendre au P.L. – Dîner, puis « Poisson d’Or » – Rentré 4 h.
10 octobre 1949
Dîner avec Jeff Kessel, Michèle O’Brien, Armorin, de Caunes et l’Islandaise. Ensuite, à 2 h du matin, en bateau du pont Marie au pont de l’Alma. Perdu la lampe du bord, puis cabaret « Colavados ».
16 octobre 1949
Conduit parents à Austerlitz. Rentré par quai d’Anjou où Armorin, de Caunes, Didda et les Marchal dînaient. Much ado – Bagarre avec de Caunes.
18 octobre 1949
Soirée chez Boulez avec Souvtchinsky, Saby, Cage, Gatti, Danielle. Discussion sur la pièce : Les Menstrues.
Otero ne fait rien – La musique (dans le creux). Discussion sur Schönberg et Berg que démolit Boubou. Seul Webern trouve grâce.
19 octobre 1949
Visite de Freddy qui voyage en 202 avec une secrétaire-maîtresse-mannequin.
20 octobre 1949
À midi chez les Gatti, réception pour le départ de John Cage et Merce Cunningham, avec Boulez, Souvtchinsky, Verroust, Saby.
21 octobre 1949
Boulez, hors d’haleine, arrive, avec Cage, au journal et me dit de m’asseoir : il a toutes ses œuvres éditées, y compris le quatuor ! il a signé ses deux premiers contrats ! Cage, deus ex machina, sourit. Il a tout arrangé. On boit chez Gatti à la santé du Maître. Le soir, 17 h 30, réunion à l’hôtel de Bourgogne avec les mêmes et d’autres.
22 octobre 1949
Papier de Korat ivre aux funérailles du roi Alexandre : « Puis s’avance dans ses voiles blancs la reine qui pleure comme une vache. D’ailleurs tout le monde pleure. Les ânes pleurent, etc. Renvoyé du « Matin » après çà !
23 octobre 1949
Dîner des reporters rue Louis-le-Grand, avec Labarthe, grand raconteur d’histoires, puis chez Harry’s Bar et au Saint-Yves, chez Ronie et Feurette.
24 octobre 1949
Il lui avait donné 275 fois le meilleur de lui-même.
Émission « Au rendez-vous des envoyés spéciaux » chez Denys de Pouilly – loupée.
25 octobre 1949
Ebel naturalisé français depuis 10 ans, quarantaine, déjà impliqué, très fort accent, résident à Genève – Cie d’aviation – Arrêté : co-auteur de – trempe dans d’autres histoires. Règlement en francs suisses se fait à Genève – le leur, en lingots, se fait à Amsterdam, port franc. Ebel est courtier et fait de l’arbitrage de place à place.
27 octobre 1949
Émission « Au rendez-vous des envoyés spéciaux » chez Labarthe (Armorin, de Caunes, Derosne, Sevry, Diwo, Buffet), bon.
28 octobre 1949
Avion Paris-New York percuté aux Açores (à bord, Cerdan, violoniste Ginette Neveu, 48 personnes).
30 octobre 1949
À l’Aurore, rencontre de Cuzin à qui Gatti et moi avions envoyé une lettre d’injures. Réactions ? Paroles…
1er novembre 1949
À Vannes, reportage des thoniers perdus. Retour le soir.
2 novembre 1949
2 procès Gaveau – procès des généraux.
3 novembre 1949
Procès Gaveau, déposition du président de la cour martiale allemande de Fresnes.
6 novembre 1949
Avec Armorin, noce impromptue place Clichy.
7 novembre 1949
Coup de téléphone d’Ofra – en France pour un an aux sciences Po.
8 novembre 1949
Sorti avec Ofra – « The Third Man » au Biarritz.
12 novembre 1949
Duel Roger Nordmann-Tixier-Vignancourt. Rendez-vous raté rue de Madrid à cause Ancel. L’après-midi, promenade sur la Seine, bateau de Marchal.
14 novembre 1949
Dîné avec Armorin, Grove, Benedict (adm. de Franc-Tireur) et Buffet au Moulin à Vent. Jack Bilbo était l’invité. C’est un juif anglais énorme et barbu qui fait le tour du monde sur son bateau « De Brave Hendrik ». Il a fait toutes les guerres civiles, fut colonel de la FAI en Espagne, conduisit des émigrés juifs en Palestine, etc. Écrivain de plus (livres sur Picasso et les modernes), peintre, sculpteur… Authentique capitaine au long cours de surcroît. Saoulerie chez lui après.
16 novembre 1949
Salle Erard avec Boulez, Saby, les Gatti, entendu « Pierrot lunaire » de Schoenberg par un orchestre italien – remarquable.
Auparavant, discussion sévère avec Diwo qui voulait m’envoyer à Orly.
17 novembre 1949
Dîné avec Jack Bilbo sur son bateau « De Brave Hendrik » avec Grove, Armorin.
24 novembre 1949
Depuis quand faut-il se retourner pour voir l’avenir ?
25 novembre 1949
Grève générale de 24 heures.
Avec Boulez, Gatti vu « Louisiane Story » de R. Flaherty.
Lettre de Gatti à Helmann au Maroc : « … Entre les gens qui crient parce qu’ils ont une pierre sur le ventre et ceux qui crient parce qu’ils veulent s’en débarrasser, j’ai toujours préféré les seconds. Je ne parle pas évidemment de ceux qui se mettent un dérisoire caillou pour trouver là-dedans le besoin de crier »
26 novembre 1949
Gatti et Boulez désolés : « Otero n’arrive à rien. Impasse… »
Avec Wang, Dante et Petrus à Marigny « Hommage à Copeau » (Barrault, Jouvet, Madeleine Renault, Valentine Tessier).
27 novembre 1949
Les sursitaires de la mort. Le poing sur l’empire.
29 novembre 1949
Le prof. Arthur Jeffrey Dempster de Chicago réussit à fabriquer quelques traces d’or à partir du mercure. « Riz amer » avec Gatti, Boulez, Saby.
2 décembre 1949
Dîner chez Henri « Moulin à Vent » avec les Gatti, Wang, Boulez et Saby. Rentré 7 heures du matin après tournée aux Halles en parlant de Finnegan’s Wake – (Gatti opposé). Petrus et Dante m’offrent un foulard, Wang un agenda et Danielle une orchidée dans une boîte de mica transparent.
3 décembre 1949
Reçu télégramme de Buenos Aires de Claudie.
4 décembre 1949
Déjeuner « famille » à la maison avec les cousins de Genève.
Pied de grue à la DST pour les expulsés de Pologne (affaire Robineau).
5 décembre 1949
Dîner avec Gatti, Danielle, Petrus chez Saby à Passy. Rentré 8 heures après de longues discussions sur Joyce, les lois de complémentarité, l’ENIHC, etc. et Joyce évidemment.
6 décembre 1949
Procès objecteur de conscience J. Bernard Moreau au Cherche Midi. 1 an de prison.
8 décembre 1949
Soirée chez Verroust pour le baptême de son fils. Boulez, les Gatti, Otero. Le torchon brûle entre Petrus, Dante et Otero depuis le retour d’Espagne (ne travaille plus selon les premiers, influence regrettable et inattendue des Vélasquez du Prado).
9 décembre 1949
Déjeuner chez Leleu et sa femme 4 square Lagarde – mansarde.
11 décembre 1949
O sottise ! qui ne sort que dans un moment pareil, l’œil comme un miroir cassé, multiplie les nuages de sa peine et vont dans des lieux lointains et innombrables une douleur qui est à portée de la main. E. Poe
12 décembre 1949
Bateau de Bilbo avec Gilbert et la voiture de Caunes – télévision – filmé pour le journal télévisé.
13 décembre 1949
Mort de Charles Dullin – après Copeau.
14 décembre 1949
Couché depuis deux jours avec un effroyable rhumatisme au genou gauche. Pas dormi.
15 décembre 1949
Toujours au lit.
Pleurez, pleurez mes yeux et fondez. La moitié de ma vie a mis l’autre au tombeau. Corneille
16 décembre 1949
J’ai connu le bonheur, mais ce n’est pas ce qui m’a rendu le plus heureux (Renard).
Anniversaire de mon frère Théo. Lu dans Blanchot un passage sur la jambe coupée de Rimbaud – élancements. Le Messie de Haendel à la radio. Le médecin Lazarovici arrive. Visite de Wang.
17 décembre 1949
Toujours au lit. Merde. Visite de Wang, comme hier – qui vient d’offrir des livres avant liquidation (un dictionnaire de son père).
Arthrite (séquelles de Lyon). Nécessite des piqûres intraveineuses : décalcification.
18 décembre 1949
Avec le temps, on aime plus de morts que de vivants.
Visite de Gatti – projets divers.
19 décembre 1949
On n’est pas fou sans raison.
Une semaine au lit. Genou encore enflé.
22 décembre 1949
Hermès. Note de frais. 100e émission du journal télévisé (avec Armorin).
Sorti avec Cl. vu « Passport to Pimlico » au Broadway.
23 décembre 1949
Hermès –
Cartes Bilbo – Barkay – JJR – Pearlmann – Note de frais.
26 décembre 1949
Avec Cl. cinéma
27 décembre 1949
Cromwell : On ne va jamais aussi loin que celui qui ne sait pas où il va.
Rédigé avec Gatti une réponse à « Combat » mettant en cause Boulez à propos de son article dans revue.
29 décembre 1949
Sorti avec Ofra et Armorin – Saint-Yves, Rose rouge.
31 décembre 1949
Réveillon avec Gatti, Danielle, Boulez, Saby, Wang, Fred, Tosca, Claudie. La Sonate des Spectres (Strindberg) par Roger Blin à la Gaîté Montparnasse : 60 personnes dans la salle… Puis, au Mont-Blanc, rue de la Huchette – festin plantureux 10 995 F pour tous. Ramené Claudie à 6 heures.